Voici un conte merveilleux que je vous ramène de la contrée paumée où j'ai séjourné dernièrement: La Légende de Mr Gifi

l était une fois, dans une station balnéaire au bord de l'Océan et paumée dans les pins, un bar qui se trouvait être le moins pourri de la "ville".

Cet endroit enchanté avait pour nom "Bar Patropourri" * et était fréquenté essentiellement par des Germains et autres Flamands en pélerinage. De rares et téméraires autochtones tentaient parfois de s'approcher du site enchanteur dans l'espoir fou de toper de la Germaine, mais la plupart avaient bien trop peur de se mélanger à ces peuples Barbares dont les représentantes du sexe féminin faisaient environ 2 têtes de plus qu'eux.

Ma jeune soeur et moi-même allions parfois festoyer après le solstice d'été dans la station blanéaire en question où d'ailleurs nous avions toutes deux passé notre enfance et crû en beauté et en intelligence (et c'était pas évident, vu l'endroit...).

Nous nous préparions mentalement à ignorer superbement les quelques autochtones joueurs de rugby ou musiciens de Bandas qui en feraient de même de leur côté en passant devant le Pilou Pilou (le bar pourri regroupant les autochtones, les vrais) pour gagner le Bar Patropourri où ils passaient autre chose que "le petit bonhomme en mousse" après 22h.

Arrivées en lieu sûr, nous exprimions notre joie en dansant à la manière des Inconnus imitant Indochine (ce qui avait aussi pour fonction de repousser encore plus les irréductibles locaux qui se seraient présentés dans notre champ de vision)... lorsque soudain nous aperçûmes dans un coin une petite chose sombre qui dansait de manière encore plus héhontée que nous...

A y regarder de plus près la chose semblait être une sorte de grand nain pas plus haut qu'un farfadet enveloppé dans un long cahe-poussière noir, portant des lunettes noires et des mitaines noires... En voici un portrait plus que fidèle exécuté de main de maître (et de mémoire s'il vous plaît!!) par un des rares autochtones fréquentables du coin, j'ai nommé l'ami Laurent:

 

Ce petit être avait une façon très particulière de danser: D'un air bougon, il se mouvait comme un automate avec d'amples mouvements puis d'un coup, il faisait une passe digne du Mia et tournoyait sur lui même... Pour couronner le tout, sous son cache-poussière, il portait un de ces pantalons élastiqués à la taille et aux chevilles en tissus à motifs africains à la Johnny Clegg... Ma soeur m'a soutenu qu'on achetait ces pantalons dans les magasins Gifi, d'où le surnom de Mr Gifi...

Il y avait un large cercle vide tout autour de lui, les gens ne le regardaient ni ne l'approchaient de peur qu'on les croie intimes avec le phénomène mais cela ne décourageait pas Mr Gifi, persuadé sans doute qu'il exerçait une telle fascination que les gens intimidés craignaient de le cotoyer et de se prendre un bras ou une jambe dans la chetron.

Ma soeur, cruelle, entreprit de le singer dans son dos... il ne s'en rendit même pas compte. De mon côté j'étais partagée entre la moquerie, la pitié et l'admiration pour le bonhomme.
Je l'imaginais le soir chez lui devant sa glace, répétant ses passes consciencieusement... Je le voyais enfiler son manteau noir tel un chevalier son armure et chausser ses lunettes comme un Rambo nouant autour de sa tête le légendaire ruban rouge... Je le voyais se parler dans la glace "Gifi, t'es le plus cool!" et répéter son attitude de cowboy des temps modernes en déambulant dos au miroir et en se retournant brusquement façon "je te mets en joue par surprise"... J'essayais de me représenter sa chambre avec des posters de Matrix, de Terminator et de Wolverine, toujours chez ses parents à 35 ans passés; sa voiture d'un modèle hors d'âge tunée à mort... J'essayais de lui donner des prénoms ringards ou banals (Robert ou Didier en tête)

Les années passaient et je ne me lassais pas de retrouver le personnage mystérieux qui améliorait sa mise chaque été (le pantalon Gifi avait été avantageusement remplacé par un jean noir et il avait investi dans des Doc Martin's coquée et légèrement surélevées du plus bel effet...).

Cette année encore, je le vis et m'empressais de rameuter des amis avec qui nous passâmes la soirée à l'espionner et à attendre de le voir bouger son corps de dieu grec miniature.

Une amie me révéla qu'il avait parlé à sa soeur l'été dernier... Sautant sur l'occasion, je lui demandais si elle connaissais son prénom, son boulot!! Elle me dit qu'elle le demanderait à sa soeur... Le mystère enfin presque révélé!!

Nous retournâmes à notre observation: Mr Gifi esquissa un pas de danse et disparut corps et bien... nous ne l'avions pratiquement pas quitté des yeux et nous ne l'avons pas vu sortir!! Nous eûmes beau explorer chaque recoin, vérifier sous les chaises et dans chaque interstice du Bar, pas de trace de Mr Gifi... La soirée devint presque morose...

Le jour suivant, avec ma soeur et son copain, nous revînmes exprès pour le voir... Il ne reparût pas plus que la veille (et, d'ennui, j'en profitais pour me classer 2ème au Hi-scores de Solitaire sur écran tactile)... Pas de Mr Gifi non plus les autres jours... Les soirées perdaient de leur saveur... nous cessâmes de sortir...

C'était une partie de notre vie qui disparaissait avec Mr Gifi... Peut-être le fait d'avoir été trop près du mythe l'a fait s'envoler pour garder sa part de mystère... Ou peut-être qu'il est parti en vacances à la montagne!

Mr Gifi, on ne t'oubliera pas...

 

* : Les noms ont été changés (non pas possible!!)...

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